Le Parisien (13-04-2021) : Argenteuil veut mettre de l’ordre dans la fibre optique

Revue de Presse - 14 Apr 2021

La municipalité a créé une commission pour traiter les problème des connexion avec les opérateurs. XP fibre, propriétaire du réseau, a mis en place une expérimentation pour limiter les actes de malveillance et les mauvaises pratiques des sous-traitants.

Par Thibault Chaffotte 
Le 13 avril 2021 à 12h40

Ils sont nombreux à se plaindre de problèmes de connexion à Internet par la fibre. C’est l’un des principales préoccupations que les Argenteuillais adressent de façon régulière à leur mairie. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une compétence communale, la municipalité a décidé d’agir. L’an dernier, elle avait déposé plainte devant le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) contre l’opérateur propriétaire l’infrastructure de la ville, SFR FTTH, devenu depuis XP fibre. Elle a également créé en février 2020 une commission regroupant des usagers, les opérateurs et la ville. « L’objectif, c’est d’informer, de mettre la pression aux opérateurs et de trouver des solutions », explique Damien Walker, adjoint au maire chargé notamment de l’innovation numérique.

Cette commission s’est réunie pour la première fois le 26 janvier. « SFR a proposé une évolution du mode STOC », explique la municipalité. Cet acronyme qui signifie sous-traitance des opérateurs commerciaux constitue aux yeux des collectivités le nœud du problème. Il s’agit de la règle qui impose à l’opérateur d’infrastructure (à Argenteuil XP fibre, anciennement SFR FTTH, filiale d’Altice) de rendre ses armoires de rue accessibles à tous les opérateurs commerciaux, c’est-à-dire les fournisseurs d’accès à Internet Free, Orange, SFR et Bouygues Télécom.

Le vandalisme observé dans les armoires de rue est en grande partie le fait des sous-traitants de ces opérateurs commerciaux. À Argenteuil, les quatre sociétés sont présentes. Quand ils n’ont pas la clé de l’armoire ou du local, il est fréquent de voir les techniciens forcer la serrure, ce qui laisse la voie libre à d’autres actes de malveillance ensuite. Il arrive aussi qu’ils coupent la connexion d’un abonné pour rétablir celle d’un autre ou tout simplement qu’ils ne respectent par les règles de câblage ce qui donne lieu à un emmêlement de câbles, couramment appelé « le plat de spaghetti ».

Une armoire peut être visitée jusqu’à 70 fois dans une journée

« Le problème, c’est que le propriétaire de l’infrastructure n’est pas maître chez lui, résume Rachid Adda, directeur de Val-d’Oise numérique. Quand vous demandez le gaz, c’est l’opérateur du réseau qui intervient. » Dans le cas de la fibre, c’est un des sous-traitants du fournisseur d’accès à Internet qui se déplace, sachant que la sous-traitance peut s’étendre parfois jusqu’à cinq niveaux. Les problèmes sont peut-être exacerbés à Argenteuil en raison du nombre de foyers éligibles et de la présence des quatre opérateurs commerciaux, ce qui fait quatre fois plus de passage sur les armoires de rue quand dans une ville où il n’y en a qu’un. Certaines armoires de rues recevraient la visite de 70 techniciens en une journée.

« Il n’y a pas de visibilité sur qui intervient. Comme ce n’est pas leur infrastructure, il y a des négligences. Il y a un empilement de sous-traitants, donc une fragmentation de la responsabilité », explique Rachid Adda. Dans les groupes de travail mis en place par l’Arcep, (NDLR : autorité de régulation des communications électroniques et des Postes) les choses commencent à bouger. « Il y a des opérateurs qui se sont engagés à ne plus recourir à des autoentrepreneurs et à réduire le nombre de rangs de sous-traitance à deux. » Pour aller plus loin, la députée (DVG) Fiona Lazaar, qui interpelle régulièrement l’Arcep et les opérateurs, envisage de déposer en amendement à la loi de décentralisation « 3D » pour réformer le mode STOC.

À Argenteuil, XP fibre a mis en place une expérimentation baptisée « le PM du futur ». Le PM désigne le « point de mutualisation », c’est-à-dire les armoires de rue et les locaux techniques où se fait le raccordement au réseau. La partie de gauche, qui concerne les opérateurs commerciaux, est déjà précâblée à la partie de droite qui correspond à celle d’XP fibre. « C’est au niveau des deux que beaucoup d’incidents se concentrent », souligne Jean-Claude Brier, délégué régional Altice France.

Mise en demeure des opérateurs en cas de connexions non conformes

Commencée en juillet, la transformation des armoires de rue est encore en cours (Neuilly-sur-Marne (77) fait l’objet de la même expérimentation depuis décembre), mais d’ores et déjà, XP fibre a pu observer que les nouvelles règles de câblage n’étaient pas toujours respectées. « L’autre point essentiel, c’est qu’on a mis en place un audit régulier », indique Jean-Claude Brier. Entre une et trois fois par semaine, chaque armoire de rues qui a été recâblée est inspectée par un technicien qui relève toutes les connexions non conformes. « Aussitôt qu’on en voit une, une mise en demeure est envoyée à l’opérateur commercial », précise-t-il. Si ce dernier ne rectifie pas le câblage, XP fibre réalise l’opération et lui envoie la facture. « Dans les villes concernées, le taux d’incident a été divisé par deux ou trois », assure-t-il. L’opération n’étant pas achevée, il est encore trop tôt pour faire un bilan, mais en attendant le collectif Internet pour tous qui regroupe les usagers d’Argenteuil qui rencontre des problèmes, déclare recevoir encore beaucoup de plaintes.

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